Front de cène...

Publié le par pascal-querou-le-blog-auteur

pal23

Jérusalem 27 Janvier 2002 Photo Thierry Flamand

 

 

Il aimait le matin se réfugier derrière les remparts millénaires de la vieille ville de Jérusalem. Où ses ruelles étroites, bordées de petites échoppes et accessibles aux seuls piétons, le plongeaient hors du temps. Et surtout loin de tous ces déments qui se haïssaient et s'entretuaient comme des barbares.

C'était le seul endroit à vrai dire dans lequel il arrivait à remettre un peu d'ordre dans sa tête...Car ces derniers mois, ces dernières semaines, ces derniers jours, tout s'était entrechoqué...

Son fils lui manquait cruellement, et ce qu'il voyait chaque jour dans cette partie du monde remettait sans cesse en cause les frêles convictions acquises la veille. Il en voulait à l'arrogant Sharon d'avoir tout déclenché, mais en croisant  une très vieille femme qui se déplaçait avec un déambulateur, et qui avait du échapper aux camps de la mort, il se demanda pourquoi ce peuple qui avait subi la Shoa ne pouvait vivre en paix. Mais les méthodes indignes employées par Tsahal le dégoûtaient. Les chars contre des frondes, les maisons qu'on vidait de leurs habitants. Et cette sale impression d'apartheid qui crevait  le coeur...

Mais il y avait aussi ces corps déchiquetés que les rabbins ramassaient avec minutie, et enfermaient dans des sachets en plastique. Cette odeur de chair calcinée, et toujours ces mêmes cris de désespoir et cette peur permanente qui touchaient les deux côtés...

Pourtant des gens se parlaient, s'entraidaient, s'aimaient et oubliaient l'espace d'une nuit en dansant et chantant. Mais le lendemain chacun reprenait son rôle, et tout recommençait.

Tous ces hommes étaient-ils devenus fous? Ou dieu avait-il perdu la tête? Car quel dieu digne de ce nom pouvait accepter autant de cruauté? Ces jeunesses que chaque camps sacrifiait pour les transformer tour à tour en bourreau et en victime...

Son coeur grondait et son âme tourmentée criait "à chacun sa merde". Il n'était pas d'ici, mais ne se sentait plus d'ailleurs. Personne ne l'attendait à Paris. Il apprenait à ne plus jamais revoir l'être qu'il avait le plus aimé dans sa vie. Alors les autres...

Ce matin là, installé dans un café à quelques pas de l'Eglise du Saint-Sépulcre, il buvait un jus d'orange fraîchement pressé. Ses pensées le torturaient toujours, mais la beauté des lieux l'apaisait. Quand il entendit au loin le bruit sourd d'une déflagration. Il se douta qu'une bombe venait d'exploser. Et son téléphone se mit à sonner presque aussitôt. C'était le bureau, un kamikaze venait de se faire sauter sur Jaffa street. Il fallait aller filmer de la bidoche carbonisée pour informer...

Il en voulut à tous de rompre cette fébrile trêve. Et quitta sans conviction ce refuge illusoire. Et lorsqu'il arriva sur le lieu du carnage, il n'y avait presque plus rien à voir. Sauf des morceaux du corps déchiqueté du terroriste. Ce n'est que plus tard, qu'il apprendra qu'il s'agissait d'une femme. La première.

Publié dans Histoires de photo

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